Pour construire une poudre d’épices ...




... je m'attache tout d'abord à la couleur. Rouge feu, jaune d’or, brun chaud. Inconsciemment cette couleur appelle déjà quelque chose. J’approche ensuite la poudre de mon visage pour respirer son « premier nez ». Souvent c’est une odeur déjà complexe, avec un arrière-plan typé. Par exemple des notes de brioche dorée sur un fond poivré, une fragrance de noisette grillée sur un fond de gingembre... Ma seconde respiration fait entrer en jeu mon palais. Mon palais est mon principal outil, j’ai passé des années à l’entraîner, exactement comme d’autres entraînent leur mémoire ou leurs muscles. Cuisiner ou composer des poudres d’épices, ce n’est pas un don comme on me le dit parfois avec envie. Non, c’est du travail, et de la passion ! Les nez disent d’ailleurs la même chose de la création de parfums. Il y a beaucoup de points commun entre la création d’un plat et celle du parfum, peut-être parce que le processus d’olfaction entre en jeu dans les deux cas. Il y a trois grandes étapes lorsqu’on goûte un plat : d’abord l’attaque en bouche puis, après la déglutition, une seconde sensation, enfin ce que l’on appelle la rétro-olfaction, c’est-à-dire lorsque la saveur passe par la gorge et remonte au niveau des sinus.
A ma table, je m'installe et le temps s'arrête. Devant moi, plein d'épices à respirer, combiner, associer. Mon imaginaire convoque alors souvenirs et sensations, souvenirs de voyages, de moments vécus, aimés, sensations de chaleur, de rondeur, de piquant, de texture veloutée ou plutôt sèche, enfin toute ma vie se concentre dans ces moments où je tente de raconter des histoires singulières qui devront rencontrer les vôtres.